Présentation

Les tribunaux et les médias sont souvent amenés à travailler de concert. Plusieurs juridictions reconnaissent même une certaine interdépendance entre ces deux milieux. De par leur statut d’intermédiaire, les médias transmettent au public l’information qui émane des cours de justice, notamment les diverses étapes lors de la tenue d’un procès ou encore une annonce concernant de nouvelles directives émises par les tribunaux. En outre, ils vulgarisent et expliquent certaines décisions de justice rendues par la cour. De son côté, l’institution judiciaire et les nombreux procès qui se déroulent chaque jour dans les cours de justice, permettent aux médias d’alimenter leur tribune. Néanmoins, malgré cette dynamique réciproque qui unit l’institution judiciaire et les médias, des problèmes, nuisant à cette relation mutuelle, sont soulevés de part et d’autre.

Parmi ces problèmes, soulignons notamment :

  • Le difficile équilibre entre le droit des justiciables à un procès équitable, d’une part, et la liberté d’expression des médias et le droit du public à l’information, d’autre part (Doppelt, 1991 ; Kogan, 2011 ; Vance, 2015);
  • Le rythme lent de la justice qui s’accommode mal au cycle de nouvelles 24/7 des médias (Bussy, 2010);
  • Le manque de connaissance en droit du public et des journalistes
  • La couverture ponctuelle et anecdotique des affaires judiciaires (Eames, 2006; Rodrick, 2004);
  • La peur de certains membres de l’institution judiciaire de ternir l’image de la profession (Davey et Salaz, 2010 ; Peleg et Bogoch, 2012);
  • Le recours soutenu aux ordonnances de non-publication par les juges (Saint-Arnaud, 2014);
  • Le langage inintelligible employé dans les jugements (Serota, 2012).

Or, il apparait que ces problèmes influencent la perception du public à l’égard de l’institution judiciaire, mais également sa compréhension du fonctionnement de cette institution. De fait, lors de certaines causes médiatisées, juges, magistrats, avocats et employés des cours sont parfois pointés du doigt pour des décisions prises dans le cadre de procès, bien que celles-ci émanent d’un principe de droit. À l’ère du numérique, cette vindicte populaire semble s’accroître et se propage de plus en plus rapidement, lorsque des décisions rendues par la cour suscitent des désaccords dans la population. Ces désaccords surviennent dans bien des cas en raison d’une compréhension incomplète des responsabilités et des règles du système judiciaire.

Face à ces nouvelles réalités, certaines juridictions ont mis en place diverses stratégies permettant au public et aux médias d’avoir un accès plus direct à l’arène judiciaire. À cet égard, il existe dans certains pays des formations destinées aux juges pour les aider à mieux communiquer avec les médias. Certains tribunaux font aussi usage de plusieurs outils numériques, notamment des réseaux socionumériques (ou médias sociaux) et des sites web, afin de transmettre directement de l’information à leurs différents publics. L’instauration d’un glossaire juridique et de résumés vulgarisés dans les cours a aussi fait l’objet d’une littérature abondante.

Le chantier Justice et médias, qui fait partie du projet ADAJ (Accès au droit et accès à la justice) financé par le CRSH (Conseil de recherche en sciences humaines du Canada), s’inscrit dans cette volonté de promouvoir de meilleures relations entre les tribunaux québécois et les journalistes et de meilleures pratiques de communication judiciaire, afin de démocratiser le système de justice et favoriser l’accès du public à une information de qualité.

Les stratégies proposées dans le cadre de ce chantier seront inspirées de celles mises en place dans d’autres juridictions, mais elles découleront également d’échanges survenus entre les différents membres du chantier. L’entrée en fonction d’une porte-parole des trois cours québécoises à l’automne 2016 fera également l’objet d’observation, afin de déterminer comment la communication judiciaire a évolué à la suite de la création de ce poste. L’utilisation des plateformes de médias sociaux par les journalistes judiciaires sera également examinée.

 


Bussy, Florence. 2010. « Justice et médias ». Recueil Dalloz. 17 p.

 

Davey, Chris et Karen Salaz. 2010. « Survey looks at New Media and the Courts ». Judicature, Vol. 94, no. 3. En ligne. <http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1666332>. pp. 137-138.

 

Doppelt, Jack C. 1991. « How Judges and Lawyers Perceive the Coverage of Legal Affairs ». The Justice System Journal, Vol. 14/15, No 3/1. En ligne. <http://www.jstor.org/stable/27976753?seq=1#page_scan_tab_contents>. pp. 419-444.

 

Eames, Geoffrey. 2006. « The Media and the Judiciary ». The High Court Quarterly Review. Vol. 2, No. 2. En ligne. <http://search.informit.com.au/documentSummary;dn=317952428763090;res=IELHSS>. pp. 47-60.

 

Kogan, Marc S. 2011. « Taking Litigation for a Spin : Addressing Lawyer’s Use of Public Relations Consultants to Speak to the Court of Public Opinion ». Reynold Courts & Media Law Journal. Volume 1, No. 4. pp. 443-464.

 

Peleg, Anat et Bryna Bogoch. 2012. « Removing Justitia’s Blindfold : The Mediatization of Law in Israel ». Media Culture Society, Vol. 34, No. 8. En ligne. <http://mcs.sagepub.com/content/34/8/961.abstract>. 31 p.

 

Rodrick, Sharon. 2004. « Achieving the Aims of Open Justice ? ». The Relationship between the Courts, the Media and the Public. The Deakon Law Review. Vol. 19, No. 1. En ligne. <https://ojs.deakin.edu.au/index.php/dlr/article/view/210>.

 

Saint-Arnaud, Pierre. 2014. « Une muselière légale ». Fédération professionnelle des journalistes du Québec (Montréal). En ligne. <http://www.fpjq.org/une-museliere-legale/>.

 

Serota, Michael. 2012. « Intelligible Justice ». University of Miami Law Review. Vol. 66. En ligne. <http://lawreview.law.miami.edu/wp-content/uploads/2012/08/MIA305.pdf>. pp. 649-670.

 

Vance, Emily Anne. 2015. « Should Prosecutors Blog, Post or Tweet?: The Need for New Restrainsts in Light of Social Media ». Vol. 84, No. 1, Article 14. En ligne. <http://ir.lawnet.fordham.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=5136&context=flr>. pp. 367-406.

 

 

 

Ce contenu a été mis à jour le 14 novembre 2017 à 11 h 13 min.